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Photo du rédacteurMax Lobé Officiel

Cinéma : Bendskins, les mototaxi qui racontent le Cameroun.


Tous les Camerounais de ma génération se souviennent bien du personnage de Chien Méchant, père de Samedi, drôlement incarné par Jimmy Biyong dans Quartier Mozart, premier long métrage de Jean-Pierre Bekolo. Nous sommes là en 1992. Bendskins de Narcisse Wandji, 2019, est certainement un double hommage, à la fois à Biyong qu’à Bekolo.


Le Cameroun urbain dans toute sa splendeur

Dès les premières images du paysage urbain fait de taxis jaunes, les routes, les constructions, le tout recouvert d’une fine poussière rougeâtre, le spectateur averti reconnaît le Cameroun. Nous sommes précisément à Yaoundé. Sur les mototaxi de Sani, de Marie et de Frank, nous embarquons dans une ville où la femme cherche courageusement sa place. Elle s’impose, à sa manière.

Le bel espiègle Sani (Danilo Melande) doit se démerder avec le père de sa copine Samedi (Stella Tchuisse) qui, elle, attend un muna. Marie (Merveille Akamba) roule, roule en quête de lumière sur un épisode sombre de sa vie. Enfin, Franck (Christian Aliguena), bardé de diplômes, ne trouve rien d’autres à faire que Benskineur, mais pas seulement !


Le Bendskin, le Ben’am

Ces noms, Bendskin ou Ben’am, aujourd’hui rentrés dans le lexique courant camerounais pour désigner le transport public le plus commun, la mototaxi, trouvent leur source dans la danse traditionnelle des peuples Bamilékés, à l’ouest du pays. Faut écouter Piego Hela de Tala André Marie ou Swega Menzui du groupe Kouchouam Mbada pour replonger dans les heures de gloire de ce rythme à se remuer le popotin comme lorsqu’on est assis, passager, sur une mototaxi.


Mais c’est tout le film qui met en exergue cette belle langue, le camfranglais, ce créole camerounais, savant mélange de français et d’anglais avec un assaisonnement bien épicé de multiples emprunts aux langues vernaculaires nationales. Aussi, tel signifiant, même en français du Blanc, n’implique pas forcément ce signifié-là. Par exemple, régulièrement dans le film, les personnages disent : « ça a cuit, oh! » Un francophone non avisé s’exclamera, « ça a cuit? » Voilà qu’il aura déjà omis « oh ! », onomatopée tragicomique. C’est comme démembrer une phrase, lui ôter son tronc, son membre nécessaire, son membre érectile. « Ça a cuit, oh ? » Oui, c’est grave ! C’est que la situation est très-très grave même ! Les Titre et vidéogramme Ça a cuit du jeune rappeur camerounais Ko-C peuvent être de bon éclairage.


Clins d’œil bienvenus

Sur la moto de Sani, le squelette crânien d’une vache dont les cornes pointent. On pense tout de suite au fort fameux Touki Bouki de Djibril Mambéti.


Chien méchant de Bekolo est convoqué ici via le personnage de Charles (Jacobin Yarro) père de Samedi. Oh quel pater! Il est vraiment méchamment méchant, ce policier. Heureusement, sa sœur cadette, Julie, est là pour calmer le jeu. Julie n’est nulle autre que Kareyce Fotso, grande voix de la musique camerounaise qui tourne de scène en scène dans les festivals internationaux.

Bendskins de Narcisse Wandji est un drame à la fois drôle et acide où la langue, l’accent, les décors et le développement du scénario dépeignent avec justesse, les travers de la société camerounaise. Quel est donc ce pays où on préfère se faire justice soi-même, au lieu de contacter la police, par exemple ? Eh bien, c’est le pays des Benskineurs à profusion.


Projection du film en plein air le vendredi 20 août à 21h30 au Théâtre de la Verdure à Lausanne, Esplanade de Montbenon.


Le programme complet du festival de Cinémas d’Afrique de Lausanne.


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