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Photo du rédacteurMax Lobé Officiel

Puissance des passeports biométriques: les plus grandes murailles jamais construites au monde

Dernière mise à jour : 4 juil. 2021


Du barbelé, du béton, des caméras de surveillance, des détecteurs de mouvements, des cylindres d’acier épais et haut de 8 mètres. Le tout sur plus de 1300 km de long. La Grande muraille USA-Mexique est un mur franc et bien étanche pour séparer les Américains des Mexicains, au sud. Fake news : ceci n’est pas une idée originale de Donald Trump à ses électeurs en 2016, année de son élection. Donie n’a fait que poursuivre une vieille tradition. L’affaire remonte à Bush-le-fils qui, en 2006, avec sa Secure Fence Act avait conçu et lancé la construction de cette grande muraille. Même Obama semble s’y être complu.

Le mur américain n’est de loin pas le seul du genre dans ce monde. Les Israéliens en ont un joli, sinueux, 9 mètres de haut, en Cisjordanie. Il les séparent de leurs meilleurs ennemis, ceux de Palestine. Puis il y a le mur entre les deux Corées, le mur du Maroc-Sahara Occidental et j’en passe.

Tous ces murs-là ne sont en réalité que des petits murs. Oui, des murets! Les vrais murs, ceux les plus épais et les plus cyniques sont ailleurs.


La Suisse et la zone Schengen.

Dans les années 2004-2005, mes premières en Suisse, j’avais besoin de visa pour aller ne serait-ce qu’à Como, petite ville italienne frontalière au Tessin où je vivais alors. Tous les six mois, je devais me rendre, via Ferruccio Pelli 16, à l’ambassade d’Italie à Lugano, pour renouveler mon visa d’accès à la zone Schengen. Zone à laquelle la Suisse n’appartenait pas encore.

Pour rappel, signés en 1985 dans la bourgade viticole de Schengen, sud-est du Luxembourg, les accords Schengen offrent une zone de libre circulation des personnes pour les ressortissants des États signataires (et États-amis tels que l'Islande ou la Norvège). Ces accords sont désormais couplés aux accords de Dublin, signés, eux, en 2003 pour le traitement des demandes d’asile au sein de l’Espace Schengen.

Depuis 2008, tout a changé. Les Suisses ont bien compris qu’ils avaient beaucoup à perdre en restant hors du club Schengen-Dublin. D’abord, les touristes, notamment les touristes chinois. C’était avant la crise sanitaire du Covid ! Le pays des montagnes, des montres et du chocolat ne voulait pas se passer de ces touristes asiatiques – pour ne citer que ceux-là – qui se trouvaient bloquer à la douane suisse. Motif : visa non valide.

Puis, la Suisse était le fameux pays de la dernière chance. Pays de la dernière chance pour certains criminels (grands trafiquants de drogues par exemple, pas les dealetons qui se démènent comme diable dans les rues genevoises et ailleurs). Les grands bandits, une fois le sol suisse foulé, ils savaient qu’ils échappaient à tous les radars et systèmes de partage d’informations européens voire internationaux. Ils étaient tranquilles en Suisse. En acceptant, par référendum en 2005, de se rattacher au club Schengen-Dublin, la Svizzera ! ne voulait plus être le pays de la dernière chance pour les demandeurs d’asile !


Tout sauf les demandeurs d’asile, please !

La Suisse aurait pu trouver un arrangement, même sous forme d’accords bilatéraux, j'entends une solution pour que les touristes asiatiques et bons consommateurs de nos montagnes, ne fussent plus recalés à leurs frontières. C’est une question de simple cachet ; et puis avec l’Internet, des E-visa auraient pu être facilement délivrés à nos amis Chinois.

La Suisse aurait pu trouver un arrangement pour les bandits de grand chemin qui venaient squatter chez elle. Car ici, on avait l’habitude de laver plus blanc que neige. Ce n’est pas le Ziegler-père qui me tapera sur les doigts. C’était la belle époque de la Suisse-Omo, la Suisse détergent de cols-blancs. Cette époque-là est elle aussi révolue, ou presque. Du moins, adieu les fabuleuses années du défilé des mallettes d’argent. L'échange automatique d'informations exigé par l'OCDE a délavé le business.

Tout, tout et tout sauf les demandeurs d’asile ! Non ! La Suisse ne voulait plus être l’asilodrôme terminus. Car auparavant, lorsqu’une demande d’asile était rejetée par des pays Schengen-Dublin, ceux-là même qui ceinturent la Suisse comme ses montagnes, le demandeur de refuge n’avait plus que la Svizzera ! pour déposer ses valises. Aujourd’hui c’est basta-finito ! Une fois la demande de protection rejetée à une frontière européenne Schengen (rappelons que la Suisse est enclavée !), si le demandeur s’avise à déposer une nouvelle requête en Suisse, c’est NEM direct. Non Entrée en Matière. Cela signifie qu’en principe, le dossier du demandeur de refuge n’est même pas ouvert. Verticale !

Et c’est là, certainement, que se cache le plus grand mur. Les pays qui continuent à monter des digues hautes de dizaines de mètres, ne le font que parce que ni le mur-passeport, ni le mur-visa ne fonctionne comme ils l’auraient souhaité. La passoire, à leurs yeux, est toujours trop trouée. Comme si leurs murs avaient jamais empêché ou découragé quelques migrants que ce soit dans leur entreprise de voyage.


La puissance du passeport.

Un passeport suisse ou un passeport Schengen et Co fait tomber une pléthore de murs-frontières. Ces passeports occidentaux assurent une protection physique à ses détenteurs. Un rapatriement rapide en cas de problème dans une république olé-olé est exigé. Qui se souvient encore de Max Göldi et de Rachid Hamdani, deux ressortissants suisses enlevés par le régime criminel libyen en été 2008. Qui s’en souvient encore ? Je ne suis ni Micheline Calmi-Rey ni Hans-Rudolf Merz, mais je m’en souviens comme si c’était hier. Comme si j’avais moi-même mené les négociations sous la tente mobile du Guide-Colonel libyen d'alors. Ç’aurait été un citoyen du tiers ou quart-monde que Kadhafi et ses gens auraient fini dare-dare avec lui sans ciller. Jamais personne n'aurait demandé ni des comptes, ni des corps.

Outre la sécurité physique en cas de kidnapping, un passeport puissant assure un minimum de protection sociale. Sanitaire. Nul besoin de trop s’étaler sur la diplomatie paternaliste et colonialiste des vaccins anti-Covid en Afrique. Les millions de doses Covax (coalition de vaccins anti-Covid envoyés aux citoyens des pays les plus modestes) sont accueillis en grande pompe en Afrique ces dernières semaines. Or, le continent africain n’a presque pas connu la pandémie. Et, sa jeune et vigoureuse population rechigne à aller se faire piquer. Rien n’est gratuit: la dette des pays quémandeurs explose, les fonds sont détournés et la masse-population muselée et abrutie, as usual !

O-K, un passeport costaud n’est pas la panacée. Tant s'en faut! Ce n’est pas de la chloroquine-Raoult qui soignerait tous vos bobos et blessures, bien sûr. Tous, nous finirons ensevelis ou incinérés. Morts. En revanche, je ne connais personne qui veuille finir par noyade dans la Méditerranée ou dans le ventre de l’Atlantique, réduit en fine collation pour les poissons qui finissent dans nos assiettes. Je n’en connais pas qui veuille mourir en toute indignité. Non.

Pourtant, c’est bien le cas pour de milliers et de milliers de personnes, notamment originaires d’Afrique sub-Saharienne. Les chiffres de l’ONU sont explicites : depuis 2014, plus de 20'000 Africains ont perdu la vie par noyade dans les eaux méditerranéennes. Ce sont là des données de mars 2020. Depuis, la crise du Covid est passée par là. Le UNHCR estime à plus de 500 personnes, ceux ayant déjà péri en Méditerranée depuis le début de la seule année 2021.


Le mur biométrique dans nos poches.

Avant toutes ces histoires de Schengen-Dublin, il n’y avait pas autant de morts de la honte dans les eaux et dans les déserts. Avec les visas, il y avait du faux, certes, il y avait de l’immigration clandestine comme il y en aura toujours, mais ce n’était pas une hécatombe, un charnier à ciel ouvert. Aujourd’hui, les murs sont hauts, trop hauts. Les murs sont infranchissables. Étanches ! Avec ses accords Schengen-Dublin, l’Europe, chère voisine du continent africain, a élevé sa barrière de plusieurs crans. Elle a monté son gigantesque mur, son murrone, sa grandissima muraille, bien plus grande que celle de Georges W. Bush et de son Secure Fence Act, bien plus grande que le bout de mur que Donald Trump demandait aux Mexicains de financer eux-mêmes!, bien plus grande encore que le mur des Israéliens en Cisjordanie. Le mur Schengen-Dublin est tout simplement trop haut. Beaucoup trop haut ! Et le biométrique est venu électrifier le tout.

J’entends, les vrais murs, ce ne sont pas tant ceux susmentionnés ici. Dans nos poches, s’enracinent des murs bien plus redoutables et cyniques. Nos passeports sont les vrais murs que nous avons décidé de construire (d'abord collectivement par notre appartenance à une ou à plusieurs nations puissantes – pensons aux doubles, triples nationaux, puis individuellement par la détention personnelle du fameux sésame) vis-à-vis de l’Autre, vis-à-vis de celui qui se trouve à l'autre bord, dans la mauvaise zone. Qui donc osera me parler de « citoyen du monde » ? C’est une escroquerie intellectuelle et grammaticale.

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