Mes gens,
How far na ?
Je sais que beaucoup d’entre vous se disent, ah les écrivains, c’est même quoi, cette race-là?Pour celleux-là, vraiment j’ai une grande admiration.
Mon admiration est encore plus grande pour les gens qui pensent qu’être écrivain, c’est une profession à respecter, un métier à considérer, voire un art(isanat) comme un boulot primaire, laboureur de la pensée, agricriteur de la marche du monde. Ici en Allemagne où je suis encore, oui je constate qu’ici, c’est comme une évidence tout ça là que je dis. Ici, existent des gens pour qui j’ai une très grande admiration. Parce qu’ils me l’ont fait ressentir au-dedans de moi, mon travail n’est pas un jeu. C’est comme aller écouter un violon concerto de Tchaikovsky. Ils respectent ça. Parfois, font des kilomètres et des kilomètres en S+UBahn seulement pour ça. Ils payent. Ils viennent vous écouter lire à haute voix un long passage de votre livre. Quelle capacité d'attention. Puis, c’est le seul moyen qu'ils ont pour se convaincre d’acheter votre livre ou pas. Mais quelle attention ! ça peut aller jusqu'à 45 minutes de lectures, le silence, la lecture, ça sourit, rit, mais l’attention revient toujours, comme au théâtre. Ils veulent découvrir d’autres imaginaires.
Ouvrir les champs des possibles
Le mot est lâché, s’ouvrir à d’autres imaginaires, pas seulement, mais aussi les découvrir, les comprendre, se faire sa place dans tout ça, avoir les moyens de rêver, quelle activité!
J’ai une admiration infinie pour celleux-là qui se battent afin que les générations futures, notamment celles africaines, s’ouvrent à d’autres imaginaires, littérature ou pas, mais qu’on réapprenne à rêver, rêver à haute voix, rêver des rêves les plus farfelus – ce sont les plus beaux d’ailleurs, croyez-en ma rébellion, mes gens, ma sincérité. Ce que je veux vous dire mes gens, c’est de rêver, peu importe la texture que prendra votre rêve, l’essentiel c’est que nos champs des possibles s’élargissent encore et encore et même au-delà de ce qu’on peut appeler l’infinie.
Qui est-elle?
J’ai une admiration infinie pour mon amie Flore Agnès Ndaz Zoa qui sur son réseau social préféré, Facebook, se fait appeler Ngoan Beti, Alias Coach, Alias Miss Rouge à lèvres. J’admire ce travail de pédagogie qu’elle nous livre sous forme de posts sur Facebook, un carnet Facebook où elle note tous les hauts, les bas, les factures, les budgets, les tracasseries douanières en Afrique, la douane oh my God, the customs !, elle met la loi sur la table, elle nous explique, pas à pas, que c’est possible… elle montre aussi souvent son joli nombril et ses cigares, et j'adore!
Ngoan Beti nous dit tout, tout et tout sur le rachat des droits d’auteurs africains, les classiques, notamment ceux qui font partie du patrimoine littéraire français. Elle nous le rappelle, c’est de la littérature française. Pourquoi devrait-on parler de littérature africaine alors même que les droits sont bonnement en mains françaises? Oui, mes gens, je fais de la littérature suisse. Mais j’aimerais dire, comme pour les autres – je crois, que ces littératures-là dont je parle, elles portent en elles l’âme de l’Afrique, dans leurs tripes.
Mais la littérature, c’est aussi les affaires. On ne fait pas toujours les affaires qu’avec les tripes, le cerveau doit lui aussi être pleinement actif, le souvenir, la mémoire, les lendemains. Bientôt des voix pour demander la « restitution » des biens culturels immatériels du continent ?
Ngoan Beti rachète tous les classiques des lettres françaises faites par les Africains.
Ngoan Beti, fille de Beti, entendez de Mongo Beti. Dois-je encore présenter le type dont elle se dit la fille? Mongo Beti. Je me demande toujours quel écrivain a su parler, écrire avec une telle précision, un tel élan, mais aussi un classicisme certain dans la phrase, soit, du Cameroun. Mongo Beti, c’est le chantre étouffé de la littérature camerounaise, le lanceur d’alerte littéraire made in Akométam-dorf, Biyidi Awala, Alias Eza Boto, l'homme fragilisé, censuré, on voit se déployer les forces coloniales contre de la littérature faite par un Noir. Ndaz Zoa alias Ngoan Beti porte son esprit.
Elle a lancé la Cene littéraire, une association qui, entre autres, décerne le Prix les Afriques, incluez la Jamaïque, les Bardades, Haiti, et toutes les formes d'Afrique. C’est une avocate suisse, du pays de Vaud, les origines à Akono-dorf, voyez-vous les restes de la présence allemande au Cameroun? Les dorfs sont plein-plein dans le sud Cameroun. Ngoan Beti paye et donc elle décide. Ses amis associatifs, eux aussi des passionnés de littérature noire, peu importe qui en détient les droits, du moins pour le moment, ils jouent les contrepoids. Ça pèse sur la balance et c’est précisément ça qui rend la dynamique réjouissante.
Répartitions des tâches
Tout ça pour dire que la fille de Mongo Beti est tellement engagée dans son féminisme littéraire d’Akono-dorf à Lausanne-dorf, qu’elle m’a surpris récemment avec un post sur sa timeline Facebook que j’appellerais volontiers, Les cahiers de celle qui lettre les cœurs africains ; elle raconte que pour la librairie Bibliothèque qu’elle a construite, un bijou à Yaoundé, quartier Essos, un père a payé pour une activité éducative, celles des mercredis après-midi ou de samedis matin, il a payé pour sa fille. Occupé, au travail comme d'habitude, il revenait du coup à la mère d’amener la fille à l’activité éducative et littéraire. Précisément celle que le père avait payée ! Achso!
Mais comme Ndaz Zoa, texto, la Maison de l’Éléphant, fait partie de ceux pour qui mon admiration est infinie, elle précise tout de suite: « Il ne s’agit pas ici de vitupérer sur la répartition des tâches ménagères! Mesdames et vous autres messieurs comme Max Lobe, je te vois venir mon petit Maxou; nous discuterons de la répartition des tâches ménagères plus tard, clef 14 et une bouteille de champagne à la main si vous voulez! Ooowé! Mais pour le moment, je vous dis que c’est la mater qui devait bring la muna à la bibliothèque! » Je ne fais que répéter précisément ce qu’elle aurait voulu dire dans son post, ce qu’elle avait sans le moindre doute en tête en écrivant ce post.
Et elle a raison. Je lui donne raison. Je trouve seulement qu’elle a péché par son choix délibéré de mettre en avant le fait que le père avait payé et que par ricochet, il revenait de fait à la mère de porter sa part de responsabilité dans la croissance de l’imaginaire, de l’éducation et de l’épanouissement de la fillette.
Coup-franc de Hemley Boum!
Ce que Ngoan Beti oublie, c’est que Max Lobe est occupé à se vernir les ongles. Voilà la Maquisarde qui sort en embuscade dans un commentaire qui ne peut que réjouir le Maxou qui, lui, ne fait que contrôler l’arrondi de ses ongles. Hemley Boum, puisqu’il s’agit d’elle, elle mitraille : « Comme si c’était nokre kravail! Donc on n’a pas déjà krop-krop de kravail comsala pour que tu viennes encore ajouter ta part, mami ? Vreuuuument! Tchip!» c'est le Tchip de la fin qui fait le coup-franc de Hemley Boum.
Oh mes gens, vous savez tous, la mère des Boyz, comme elle aime les call sur Facebook – quelles archives, Facebook ! – les Boyz comme elle aime à se vanter quand elle parle de ses fils sur Facebook, Hemley Ngo Boum, notre Maquisarde des temps de la chose blanche, tacle franchement la fille de Mongo Beti. Précisions : ce sont des Môdjan, des sœurs comme ça-là, serrées-serrées, les soeurs du village, les sœurs d’une autre mère, mais très certainement les soeurs de la même cause. Entre elles, comme avec d’autres de mes grandes soeurs en l'univers littéraire, comme Estelle Baroung par exemple, le wifi passe. Il passe tant et si bien qu’on ne craint (même) pas le black-out.
Hemley Boom a raison. Ce n’est pas parce que l’homme a payé que la femme doit exécuter. L'inverse demeure vrai. Ma mère payait mes activités éducatives, mon abonnement à la bibliothèque de l'Institut français de Douala-Akwa, mes cours d'anglais à Bonajoh, elle payait le transport, elle m'accompagnait quand il le fallait. Ce n'est donc pas une question d'argent ou de répartitions de tâches ménagères. Il s'agit ici d'avoir la conscience, qu'on soit père ou mère, que seul le bien de l’enfant compte. Seul compte la capacité à diversifier ses imaginaires, à rêver tête haute. Le reste, c'est des histoires de couple et de photos dans la baignoire.
Même si on poussait la logique de Ngoan Beti plus loin en admettant que le père paye l’activité éducative, le transport, l’argent de la glace, l'argent des beignets comme on dit au Cameroun, l'argent de poche et divers, même s'il donne tout cela, je ne crois pas qu'il revienne forcément à la mère de se charger d’assurer la logistique. Seul le bien de l'enfant doit compter.
Mes gens, il y a comme un vent nouveau dans l’air. I can feel it deep in my lungs. Les choses changent petit à petit, ici et là, lentement, certes, mais comme ça fait du bien de voir ce lent mouvement.
Voilà my country people, ce que j'avais envie de vous dire au sujet des gens pour qui j'ai de l'admiration, une très grande admiration et une admiration infinie. Ce sont les mots d'un écrivain, c’est-à-dire celui qui est tout à ce bout-ci de la chaîne, tout au début de cette si belle et longue chaîne de la transmission de la connaissance et de la beauté par le biais des livres.
Bons baisers.
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