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Photo du rédacteurMax Lobé Officiel

Sexe: éteindre son cerveau pour mieux jouir? Une nouvelle érotique

Dernière mise à jour : 18 août 2021


Donner pour donner, c’est comme tuer pour tuer. Donner son corps juste pour tuer l’envie, pour avoir l’impression d’être toujours dans le coup. Autrement, ils te disent que tu réfléchis trop.

Sauter sous la douche, changer l’embout, le glisser dans le trou, le jet d’eau, je l’aime plutôt froid, puis progressivement tiède. Répéter jusqu’à ce que la rivière dans la baignoire soit limpide, aussi limpide que l’eau qui en moi est rentrée.

Avoir un, deux ou trois jouets différents – heureusement, le père Noël est toujours gentil avec moi. J’ai tout un arsenal de beaux jouets.

Même les godes n’ont de goût, de vrai goût que lorsqu’on les utilise avec sa personne, j’entends sa personne personnelle, le gars avec lequel on se sent libre, à l’aise, celui avec lequel on ne craint pas de pousser, ouvrir, recevoir, recevoir jusqu’au fond.

Il faut savoir pousser, c’est le conseil que je puis donner à ceux (et bien sûr celles !) qui voudraient utiliser la porte arrière.

Savoir pousser pour que ça sorte, c’est la même énergie qu’il faut pour que ça rentre. Ce n’est pas sorcier, voyons!


Je salive, lubrifie et pousse, je commence par le plus petit plug, le métallique, c’est le souvenir d’une relation qui n’a duré qu’un espoir. L’espoir par définition est éphémère. Pourtant, les racines étaient déjà trop enfoncées dans le cœur, dans ma tête, dans mon corps. Ce n’était plus seulement un espoir, c’était une histoire.

Dieu, savez-vous que le cœur n’a pas d’os. Le cœur n’est pas de fer. Pourquoi me répètent-ils à volonté : tu réfléchis trop. Comme si réfléchir était la pire abomination de notre temps. Tu réfléchis trop. Ça sonne comme une condamnation dont tu ne peux faire aucun recours. Tu es coupable de ce que ton cerveau fonctionne bien.

C’est fou comme le monde t’assigne à éteindre ton cerveau, ton cœur, ton corps. Non, tu ne dois plus avoir de sentiments. C’est horrible d’aimer. C’est horrible de dire qu’on a mal, que l’on nous a fait mal, non pas à l’anus, mais au cœur. Oh que tu es coupable de faiblesse. Le monde est une arène, un ring de boxe sentimental, soit tu es Gladiator, soit tu disparaîs. La jungle.

Oh, il faut seulement donner. Qu’il te plaise ou pas. Que les étoiles dans tes yeux, brillent alors qu’il te pénètre, pendant que ses doigts glissent sur ta peau en un massage royal, relaxant, pendant qu’il te raconte une belle histoire, qu’il te dit ce mot que plus personne ne t’a dit depuis si longtemps… non, tu ne dois pas réfléchir.

Voilà ce que la société, ta communauté te dit. Aujourd’hui. Cesse de réfléchir. Consomme. Les gars, ça vient, ça part, et rien de plus. C’est comme des arrêts de bus, tram, métro, des escales d’avion. De ville en ville, tu consommes chaleur et plaisir et tu t’en vas, sans réfléchir à ce qui s’est passé ou à ce qui va se passer en toi.

Je veux pourtant m’envoler, libre, aussi libre qu’enraciné.


Après la douche méticuleuse et le mini plug métallique, c’est le plug gonflable. J’appuie sur la pompe. Ça gonfle au-dedans, crée l’espace que celui-là viendra remplir. Oh que ça fait longtemps. Suis-je puceau ?

Vous autres profanes qui parlez tout le temps de couches-culottes, de Pampers, vraiment, taisez-vous donc et laissez les pro de la sodo vous dire. Même après une double pénétration – pour une double satisfaction !, le trou reprend sa position initiale. Même après le fisting. Tout se referme si bien que même un doigt peut faire mal, le jour d’après.


Le plug gonflable étire l’entrée. Je regarde sur mon écran de téléphone, le gars dit qu’il est bien monté, il précise la longueur, la largeur et même le poids : j’essaye un gode, pas géant, mais taille grande. Pousse ! Pousse mon beau ! Fais ta salope. Scénarise le tout avant qu’il n’arrive. T’inquiète, ça ira. Cesse de réfléchir. Comme j’ai fini de pousser et que c’est rentré, alors je frotte. Je geins. Va et viens. Va et viens. J’espère faire de même lorsqu’il sera là. Le lub est à eau, ça glisse bien. Tout est clean. Si ne n’est pas le cas, je repasse sous la douche. Le gars arrive dans 5 minutes. Fais vite putain !

Je suis prêt. Je regarde une fois de plus sa photo de visage. Eh Dieu, en temps normal, est-ce que celui-ci pourrait même me dire bonjour ? Mais vois-tu : il faut donner, donner comme tuer pour tuer, tuer l’envie qui te ronge là-bas en bas, c’est comme des démangeaisons. Il va te gratter. Tu en as envie. Les jouets t’imposent une distanciation sociale, la main-amie aussi. Depuis quand ne t’es-tu pas masturbé ?

Il veut m’embrasser – il devrait fournir un effort pour ses dents et haleine –, je détourne la tête. Il dit qu’il a une poudre. Des cristaux. Je sors le plateau. Il dit ce que c’est. Est-ce que j’en veux ? Oui, bien sûr, sinon, comment vais-je pouvoir ne serait-ce que lui ouvrir la porte de ma chambre, la porte de ma pièce arrière à peine douchée, lubrifiée, écartée.


Je pense à celui qui m’a laissé. Le dernier, l’avant-dernier, tous les autres avant eux. La liste est longue, parce que je réfléchis trop. Je sniffe une ligne. Ça pique un peu. Mais l’effet est rapide. L’envie est décuplée. L’esprit s’éteint ; je fais tout pour cesser de penser, de réfléchir, comme ils disent. Aussi j’écarte, j’écarte comme si je n’allais plus jamais écarter de ma vie, comme si c’était la dernière fois que je donnais, comme si après celui-ci, je ne devrais plus jamais tuer. Oh Dieu, donner, oui, mais donner à qui ? Je pense aux autres, ceux avant lui, ceux pour lesquels j’avais cessé de penser, naturellement. Tous leurs visages, anguleux, ronds, barbus, yeux bleus, noirs, marrons, nez longs, épatés, bruns, blonds, blatinos, tous ces visages fusionnent en un seul. Ça donne un homme sans pareil. Un homme sublime, sublimé parce que somme des beautés et défauts de tous les autres. Un visage sublime qui me chuchote : cesse de réfléchir, donne seulement.


Celui qui est maintenant derrière moi, est haut perché. L’aiguille fait des miracles ! Pourtant, il est dur comme un âne. Il ne réfléchit pas, plus. J’aime mieux la doggy dans ces situations. Comme ça, j’ai pas besoin de le regarder, je peux penser à un autre gars, la synthèse de tous ceux-là que j’ai aimés, tous ceux qui m’ont laissé, abandonné comme un meuble qu’on a cessé de chérir et qu’on n’a pas hésité à remplacer. On le laisse dehors, sous le soleil de la culpabilité, sous la pluie de l’humiliation, le froid de la remise en question. L’enfance ne correspond à aucune saison ; c’est le plus douloureux.

Il enfonce, il accélère, il tape. Taper dans la prostate comme taper dans un ballon de boxe. Te voilà tout. La prostate vibre. La poudre en toi, libre. L’orgasme anal ; ça existe. Je vibre comme un téléphone sur une table, je vais bientôt tomber du lit. Il me récupère avant que je ne sorte du ring. Il tape, tape, tape dans la prostate. Poppers. Oh ! Le plaisir s’ouvre grand comme le trou qui se relâche.



Comme il a versé, il me demande comment je m’appelle. Victor que je lui dis, en croyant qu’il s’agit d’une victoire. Comme si baiser était fighter. Perso, je crois que c’est une conversation, un partage, même pour un soir. Dieu merci, la prophylaxie pré exposition existe. Le VIH n’est plus un cancer. La peur s’est éloignée, le gars n’est plus là. Il n’avait pas de parfum. L’écran de mon téléphone s’éclaire : il dit qu’il a aimé, il m’appelle Vincent. Comme il est con. Bon. J’enregistre son numéro : Con dépanneur. J’éclate de rire pour pas réfléchir. Je me mets en mode avion.


Bach et son violon consolent. Promis.


Les nuages me disent que tout cela est malheureux. Oui, oui, certainement, mais c’est peut-être mieux d’être malheureux après avoir donné que d’être malheureux sans avoir rien donné du tout. Là, on n’est pas malheureux, on est frustré. La frustration est noire comme ta peau. Impossibilité de trouver sa place sur un marché concurrentiel où on te commande de ne plus réfléchir.

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