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Photo du rédacteurMax Lobé Officiel

Shakiro, la femme trans* que j’admire.

Dernière mise à jour : 19 sept. 2021



J’ai beaucoup réfléchi à ça. Je me suis demandé comment en parler ? Comment parler d’elle, de Shakiro ?


Comme beaucoup d’internautes, je connais Shakiro, entre autres, femme trans* camerounaise. C’est une icône de la lutte Lgbt+ au Cameroun et bien au-delà. Une icône est une lumière. Oui, Shakiro est une lumière.


Je l’ai connue avec sa célèbre phrase, on ne vend pas le piment à crédit mamaaaa ! Pas les LOLettes mamaaaa ! Je découvrais alors une femme trans* camerounaise. Très jeune. Vingt ans, quelque chose comme ça, elle a 24 ans aujourd’hui. J’avais gardé un œil ouvert sur la personne, pas le personnage, quoique parfois, elle dit être un personnage, une femme emprisonnée dans le corps d’un homme. Shakiro, tu n’es pas un personnage, tu es toi, c’est ton comme ça et tu ne dois pas en souffrir.


Quand je parle de souffrance, je parle de toutes les vidéos que j’ai vues par la suite. Les agressions répétées, filmées, publiées sur le net, de la violence mise en branle, du brutalisme dans le sens d’Achille Mbembe, une violence incarnée, matérialisée par des hommes cis-genres. Dans plusieurs vidéos, des hommes cis-genres qui essayent de la déshabiller. Des voyeurs.


Puis j’ai entendu parler d’une sextape. J’avais eu une pensée pour elle.


Un matin, j’apprends que Shakiro et son amie Patricia ont été arrêtées et déférées à la prison centrale de Douala. On les a enfermées avec les hommes ! J’avale mes mots. Pourtant, la rage monte. Sur les réseaux sociaux, je suis les actualités d'une association Lgbt+ du Cameroun. Maître Alice Nkom - Merci. Je veux savoir ce qui se passe. Je lis la presse internationale. J’écris un article, je le relis, me dis que ce n’est pas ça. Ce n’est pas ce que je veux dire. Même lorsqu’on nous a annoncé que Shakiro et sa copine Patricia avaient été condamnées à 5 ans de réclusion ferme, plus amendes. Là, j’ai ressorti mes mots. Écris. C’est ce que tu sais faire. Vas-y, écris. J’ai une idée de ce qui se passe, oui j'ai une idée, mais avoir une idée, ce n’est pas forcément savoir l’exprimer. Barbarie ? ça ne correspond pas du tout au niveau de barbarie que j’ai vue dans cette vidéo de l’agression de Shakiro. Elle se fait tabasser. Elle venait pourtant de sortir de prison…


Trois jours après sa baston, voilà Shakiro qui remet sa caméra, fière, forte, elle revient sur son agression, donne tous les détails, remercie ceux.celles qui l’ont secourue, elle en profite pour clasher ses détracteurs, placer les perruques qu’elle vend. Shakiro donne des interviews, sensibilise, utilise les termes justes, fait de la pédagogie, explique dans un langage précis, des mots précis, ce que c’est qu’être trans*, transgenre et africaine. Elle explique ce qui se passe en elle, en son dedans. Elle s’exprime aussi bien en français qu’en anglais.



Sa copine Patricia à qui on ne rend pas toujours le bon hommage, celui qui lui est dû, à elle, Patricia, tout aussi femme trans* que Shakiro, mais infiniment plus discrète, une timidité qui contraste violemment avec la grande gueule de Shakiro. J’entends, nous sommes touxtes différent.e.s.x.


Le courage de Shakiro, le philosophe Vladimir Yankélévitch en serait épaté. Le courage de savoir recommencer, le courage de pouvoir se lever de son lit, chaque jour, la boule de moins en moins lourde dans le ventre, libre, free, Shakiro est le courage de vivre. Mais le courage de pardonner, c’est autre chose. Est-ce que ces gens-là ne savent pas ce qu’ils lui font ? J’aimerais demander à Shakiro si elle pardonne. Tu pardonnes ? Ou alors tu as déjà pardonné, parce qu’il faudra pardonner pour avancer. Tu dois déjà avoir pardonné parce que tu es morte plusieurs fois et autant de fois tu es ressuscitée, insolente, effrontée, la barbe le rouge à lèvres, libre, Marsha Johnson, une autre icône, une pionnière de la lutte moderne contre l'homophobie, 1969, les émeutes de Stonewall aux States, Marsha Johnson contre la transphobie et le racisme, elle est fière de toi.



Timba Bema, un beau brover d’ici, en Suisse, fait plusieurs posts sur Facebook pour alerter sur la situation de Shakiro. À peine j'arrive à commenter. Figé. Trop de choses dans la tête, on dit kooo Shakiro exagère, on la mégenre, lui donne du « il » au lieu du « elle », on lui dit qu’elle exagère kro, qu’elle cherche la popularité sur les réseaux sociaux, la starmania. En commentaires, les internautes l’accusent d’être un danger pour leurs enfants, on lui souhaite les feux de l’enfer, lui dit que sa place n’est nulle part ailleurs qu’en enfer, kooo Shakiro doit se calmer, kooo Shakiro ne va pas changer le pays, kooo Shakiro doit respecter les lois du pays, hum, kooo à cause de Shakiro, on va changer la loi sur les N’tchèlè au koh, parce kooo si on change la loi-là, la 347 bis-là, celle qui punit le flagrant délit d’actes homosexuels, si on change ça, alors nos gens ne pourront plus demander le ngunda en Mbeng pour n'tchèlèrisme. Ah bon ? Donc que les homophobes patentés du koh viennent aussi demander la protection en Occident en tant que pédés ? Donc que, mola, tu cassais du kwadengué au pays, aujourd’hui tu as boza, le désert, la mer, jusqu’à tu came mbeng et tu go ask le ngunda en tant que depso ? Yich... Honte à vous !


(Nous avons eu des photos de Shakiro, en prison, dans une peau qui n’est pas la sienne).



Dans la même période, le couple présidentiel était en vacances à Genève, les manifs pour son chassement ont été violemment réprimées par la police genevoise, Mâ est go elle à Cannes, au festival de Cannes, et Pâ, lui suivait ses soins médicaux ici à Genève, uhuh, à son chevet la révolte diasporique, mais dans tout ça là, on ne sait plus qui est qui, qui fait quoi, qui est là pour quoi… ça manque de courage. Dans le même temps, on découvre que des dizaines de milliards de francs cfa destinés à la lutte contre la pandémie du Covid ont été détournés par les autorités publiques. Dans le même temps, des milliers de Camerounais.es.x trouvaient et continuent de trouver la mort sous les balles de l’armée régulière, au NOSO (North-Ouest-South-Ouest), Cameroon. Un moustique qui s'est transformé en éléphant, une guerre civile. La Suisse, La France et bien d’autres proposent leurs bons offices. Dans le même temps, Boko Haram continue ses exactions dans le nord et le phallus gérontocratique suce le mboa.


Shakiro a reçu son visa pour les USA. Ouf de soulagement. C’est peut-être la raison pour laquelle j’ai décidé de publier ceci.



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